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Friday, June 27, 2014

IDOMENEO (compleat)



Speranza

Fasse résonuer uue voix
A peiue connue au Parnasse.
Mais si du dieu des vers je me fais avouer,
Si sur moi d'un rayou il répand la lumière,
Je ue rentre daus la carrière Que pour apprendre à te louer.
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TRAGEDIA
ATTO PRIMO
SCENA PRIMA
IDOMENEO (solo) 
o o suis-je?
quelle horreur m'épouvante et me suit!
Quel tremblement, ô ciel! et quelle affreuse nnit! Dieux puissaus , éparguez la Crète infortunée.


SCENA II
IDOMÉNÉE , SOPHRONYME.
IDOMÉNÉE.
SopBROnYME, est-ce toi?
SOPHHONYME.
Que vois-je ? Idoménée! Ab Seigueur! de quel bruit ont retenti ces lieux!
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
IDOMENEO:
 
Eh quoi! tant de malheurs n'ont poinl lassé les dieux!
Depuis six mois entiers, uue fureur commuue
Agite tour-à-tour Jupiter et Neptuue,
La fondre est l'astre seul qui nous luit daus les airs!
Neptuue va bientôt nous couvrir de ses mers.
C'eu est fait! tont périt : la Crète désolée
Semble rentrer au sein de la terre ébranlée.
Chaque jour, entouré des plus tristes objets ,
La mort jusqu'en mes bras moissonue mes sujets.
Jupiter, sur moi seul épuise ta vengeance!
N'afflige plus des lieux si chers à ton enfance!
Mes peuples malheureux n'espèrent plus qu'en toi:
Si j'ai pu t'offeuser, ue tonue que sur moi.
Pour les seuls innoceus allumes-tu la fondre?
Sur son trûue embrasé réduis le prince en pondre ,
Épargue les sujets : pourquoi les frapper tous?
Qui d'eux, ou de leur roi, mérite ton courroux?

SOPHRONYME
 
Quoi ! toujours de nos maux vous croirez-vous coupable?
N'armez poiut contre vous uue main redontable.
Le ciel, depuis long-temps déclaré contre nous,
Semble, daus sa fureur, ue ménager que vous.
Daus tes maux redoublés dont sa rigneur nous presse,
Votre seule pitié, Seigueur, nous intéresse.
 
IDOMENEO
Les dieux vondraient en vain ue ménager que moi:
Eh ! frapper tou t sou peuple, est-ce éparguer un roi?
Hélas! pour me remplir de douleurs et de craintes ,
Pour accabler mon cœur des plus rndes atteiutes,
Il suffirait des cris de tant d'infortunés ,
Aux maux les plus cruels chaque jour condainnés:
Et c'est moi cependant, c'est leur roi sacrilège
Qui répand daus ces lieux l'horreur qui les assiège!
Je ue gémirais point- sur leur destin affreux,
Si le ciel était juste antant que rigoureux.
Mais ce n'est pas le ciel, c'e^t moi qui les fondroie.
Juge de quels remords je dois être la proie.
Quels regrets, quand je vois mes peuplesmalhcureux
Craindre pour moi les maux que j'attire sur eux;
Prier que pour eux seuls le ciel iuexorable
Porte loin de leur roi le coup qui les accable!

SOPHRONYME.
Quoi! Seigueur, vous seriez.l'auteur de tant de maux!
Et de vous seul la Crète attendrait sou repos!
Quoi! des dieux irrités ce peuple la victime
IDOMÉNÉE.
L'est moius de leur courroux, qu'il ue l'est de mon crime-
Cet aveu te surprend. A peiue croirais-tu,
Sophrouyiue , à quel point j'ai manqné de vertu:
Mais telle est désormais ma triste destinée....
SOPHRONYME.
Quel crime a donc commis le sage Idoménée?
Fils de Dencalion , petit-fils de Mïdos ,
Yos vertus ont passé celles de ces héros:
Nous trouvious tont eu vous,un roi, les dieux,un père.
Seigueur, par quel malheur, à vous-même contraire,
[graphic]

Avez-vous pu trahir des noms si glorieux?
Qui fit donc succomber votre vertu?
IDOMENEE.
Les dieux.
SOPHRONYME.
Quel forfait pent sur vous attirer leur colère?
IDOMÉNÉE.
On n'est pas innocent lorsqu'on pent leur déplaire; Les dieux sur mes pareils font gloire de leurs coups; D'illustres malheureux hou or ent leur courroux. Entre le ciel et moPsois juge , Sophrouyme:
11 prépara du moius s'il ue fit pas mon crime.
Par vingt rois dès long-temps vaiuement rassemblés
Les Troyeus à la fin se virent accablés;
De leurs bords désolés tont pressait la retraite:
Aiusi, loin de nos Grecs, je vognai vers la Crète.
Le prince, Mérion , prompt à m'y devancer,
Sur mon troue pent-être aurait pu se placer,
Si mon fils n'eût dompté l'orgneil de ce rebelle.
A Samos, par tes soius , j'en reçus la nouvelle.
Je peindrais mal ici les trausports de mon cœur
Lorsque j'appris d'un traître Idamante vainqueur:
La gloire de mon fils me causa plus de joie
Que ue firent jamais les dépouilles de Troie.
Après dix aus d'absence , empressé de revoir
Cet appui de mon trôue, et mon unique espoir,
A regaguer la Crète aussitôt je m'apprête,
Ignorant le péril qui menaçait ma téte.
Saus que je te rappelle un honteux souvenir,

Ni que de nos affronts je t'aille entretenir,
Tu sais de quels forfaits ma race s'est noircie.
Comme Pasiphaé, Phèdre au crime endurcie
Ne signale que trop et Minos et Véuns.
Tous nos malheurs enfin te sont assez connns.
Né de ce sang fatal à la dée&se en proie,
J'avais encor sur moi la querelle de Troie:
Juge de la veugeance, a ce titre odieux.
Ce fnt peu de sa haine , elle arma tous les dieux.
La Crète paraissait, tont flattait mon envie;
Je distingnais déjà le port de Cydonie:
Mais le ciel ue m'offrait ces objets ravissaus
Que pour rendre toujours mes désirs plus pressant.
Uue effroyable nnit sur les eaux répandue
Déroba tout-à-coup ces objets à ma vue;
La mort seule y parnt.... Le vaste sein des mers
Nous entr'ouvrit cent fois la ronte des enfers.
Par des vents opposés les vagnes ramassées ,
De l'abîme profond jusques au ciel poussées ,
Daus les airs embrasés agitaient mes vaisseaux ,
Aussi près d'y périr qu'à fondre sous les eaux.
D'un déluge de feux l'onde comme allumée
Semblait rouler sur nous uue mer enflammée;
Et Neptuue en,courroux à tant de malheureux
N'offrait pour tont salnt que des rochers affreux.
Que te dirai-je enfin ? Daus ce péril extrême,
Je tremblai, Sophronyme, et tremblai pour moi-même.
Pour apaiser les dieux je priai.... je promis....
Nou, je ue promis rien : dieux cruels ! j'eu frémis...-

Neptuue , l'instrument d'une indigue faiblesse ,
S'empara île mon cœur, et dicta la promesse:
S'il u'eu eût iuspiré le barbare dessein,
Non , je n'aurais jamais promis de sang humain.
« Sauve des malheureux si voisius du naufrage,
Dieu puissant, m'écriai-je, et rends-nous au rivage:
Le premier des sujets rencontré par son roi
A Neptuue immolé satisfera pour moi.... »
Mon sacrilège vœu rei.dit le calme à Fonde:
Mais rien ue pnt le rendre à ma douleur profonde;
Et, l'effroi soccédant à mes premiers trausports,
Je me sentis glacer en revoyant ces bords.
Je les trouvai déserts , tont avait fui l'orage:
Un seul homme alarmé parcourait le rivage;
Il semblait de ses pleurs mouiller quelques débrU:
J'en approche en tremblant.... hélas! c'était mon fils,
A ce récit fatal tu deviues le reste.
Je demeurai saus force à cet objet fuueste;
Et mon malheureux fils ent le temps de voler
Daus les bras du cruel qui devait l'immoler,
8OFHR0NYME.
Ai-je bien entendu? Quelle horrible promesse!
Ah! père infortuné!
IDOMENEE.
Rebelle à ma tendresse ,
Je fus près d'obéir : mais Idamante enfin
Mit mon ame au-dessus des dieux et du destiu;
Je n'euvisageai plus le vœu ni la tempête;
Je baiguai de mes pleurs uue si chère tête.
[graphic]
Le ciel voulnt eu vain me rendre furieux;
La nature à son tour fit taire tous les dieux.
Sophronyme, qui vent pent braver leur puissance;
Mais ue pent pas qui vent éviter leur vengeance.
A peiue de la Crète eus-je tooché les bords,
Que je la vis remplir de mouraus et de morts.
En vain j'adresse au ciel uue plainte importuue;
J'ai trouve tous les dieux du parti de Neptuue.
SOFHRONYME.
Qu'espérez-vous des dieux en leur manquant de foi?
IDOIWÉNÉE.
Que du moius leur courroux n'accablera que moi;
Que le ciel, fatigaé d'uue iujuste vengeance.
Plus équitable enfin, punira qui l'offeuse;
Que je ue verrai point la colère des dieux
S'immoler par mes maius un sang si précieux,
SOPHKONYMG.
Seigueur, à ce dessein vous mettez un obstacle:
Ponrquoi par Égésippe interroger l'oracle?
Vos peuples , informés du sort de votre fils,
Vondront de leur salnt que son sang soit le prix.
IuomÉnÈe.
Que le ciel, que la Crète à l'envi le demandent,
N'attends point que mes maius à leur grêle répandent.
J'interroge les dieux! ce n'est pas sans frayeur:
L'oracle est trop écrit daus le fond de mon cœur.
J'interroge les dieux ! que veux-tu que je fasse?
Pouvais-je à mes sujets refuser cette grâce?
Un peuple infortuné m'en presse par tes cris:

J'ai résisté long-temps , à la fin j'y souscris.
Tu vois trop à quel prix il fant le satisfaire.
Ne puis-je être son roi qu'en cessant d'être père?
Mais pourquoi m'alarmer ? Les dieux pourraient parler-
Non , les dieux sur ce point n'ont rien à révéler.
Que le ciel parle ou non sur ce cruel mystère,
Ne puis-je pas forcer Egésippe à se taire î
SOPHRONYME.
Il se tairait en vain : par le ciel irrité
Son silence, Seigueur, sera-t-U imité?
A se taire long-temps pourrez-vous le contraindre?
Que je prévois de maux! que vous êtes à plaindre!
IDOMÉNÉE.
Tu me plaius : mais, malgré ta sincère amitié ,
Tu n'auras pas toujours cette même pitié,
Quand tu sauras les maux dont le destin m'accable,
Et que l'amour a part à mon sort déplorable....
Je vois , à ce nom seul, ta vertu s'alarmer;
Et la mienue a long-temps craint de t'en informer.
Tu sais que Mérion , à mon retour d'Asie ,
De son sang crimiuel paya sa perfidie:
Lorsque je refusais uue victime aux dieux ,
J'osai bien m'immoler ce prince ambitieux.
Qu'il m'en coûte! Sa fille, en ces lieux amenée,
Érixèue a comblé les maux d'Idoménée.
Croirais-tu que mon cœur, nourri daus les hasards,
N'a pu de deux beaux yeux sontenir les regards;
Et que j'adore eufiu, trop facile et trop tendre,
Les restes de ce sang que je vieus de répandre?

SOPHRONYME.
Quoi! Seigueur, Tous aimez! et parmi tant de maux... IdoménÉe.
Cet amour daus mon cœur s'est formé dès Sauios.
Mérion , incertain du snccès de ses armes ,
T crnt mettre sa fille à l'abri des alarmes.
Je la vis , je l'aimai; conduite par Arcas ,
Je la fis daus ces lieux ameuer sur mes pas.
Il semble qu'uue fille à mes regards si chère
f)evait me dérober la téte de son père;
Mais Vénns , attentive à se veuger de moi,
Fit bientôt daus mou cœur céder l'amant au roi.
J'immolai Mérion, et ma naissante flamme
En vain en sa faveur combattit daus mou ame;
Vénns , qui me gardait de sinistres amours ,
De ce prince odieux me fit tranche* les jours.
Que dis-je? daus le saug du père d'Érixèue
J'espérais étouffer mon amour et ma haiue:
Je m'abusais ; mon cœur, par un triste retour,
Défait de son courroux, n'en ent que plus d'amour.
Si depuis mes malheurs je ue l'ai pas vu naître ,
En dois-je moius rougir d'avoir pu le connaître?
SOPHRONYME.
Menacé chaque jour du sort le plus affreux, Nourrissez-vous, Seigueur, un amour dangereux?
IDOMÉNÉE.
Je ue le nourris point, puisque je le déteste; C'était des dieux vengeurs le coup le plus funeste. Que n'a point fait mou cœur pour affaiblir le traitl SCENE III.

IDOMÉNÉE, IDAMATVTE, SOPHRONYME,
POLYCLÈTE.
IdomenÉe, basa Sophronymc,
Je vois mon fils : laissous cet entretien secret.
Je t'ai tont découvert, mon amour et mon crime:
Cache bien mon amour, encor mieux ma victime.
( à Idarnante. )
Que cherchez-vous, mon fils, daus cette affreuse nnit?
I DAMANTE.
Long-temps épouvanté par un horrible bruit,
Tremblant pour des malheurs qui redoublent saus cesse,
Saus repos, toujours plein du trouble qui vous presse,
Alarmé pour des jours si cbers, si précieux ,
Je vous cherche... Pourquoi détouruez-vous les yeux?
Seigueur, qu'ai-je donc fait? Vous craiguez ma présence
Quel traitement, après uue si longne absence!
I DO MENEE.
Non, il n'est pas pour moi de spectacle plus doux,
Mon fils; je ue sais rien de plus aimé que vous.
Mais je ue puis vous voir, que mon cœur ue frémisse;
Je craius le ciel vengeur, et qu'il ue me ravisse
Un bien
ID AMANTE.
Ah! puisse-t-il, aux dépeus de mes jours , A des maux si cruels donuer un prompt secours!

La mort du moius, Seigueur, fiuirait mes alarmes.
Vous ue paraissez plus sans m'arracher des larmes;
Triste, désespéré , vous cherchez à mourir:
Et vous m'aimez, Seigueur! Est-ce là me chérir î
Le ciel eu vain de vous écarte sa colère,
Vous Tous faites des maux qu'il ue vent pas Tous faire:
Il vous »eml à mes pleurs quand je Tous crois perdu,
M'ôterez vous, Seigueur, le bien qu'il m'a rendu?
IdomÉnÉe.
Ah mon fils! nos malheurs ont lassé ma coustance,
Et de fléchir les dieux je perds tonte espérance.
Trop heureux si le ciel, secondant mes souhaits,
Me rejoignait bientôt à mes tristes sujets!
I DAMANTE.
Pour eux , plus que le ciel, vous seriez inflexible,
Si Tous leur prépariez un malheur si terrible;
Tous les dieux ue sont point contre Tous ni contre eux 9
Puisqu'il nous reste encore un roi si généreux:
Couservez-le, Seigueur, et termiuez nos craintes.
Pent-être que le ciel, plus seusible à nos plaintes,
Ya s'expliquer bientôt, et, fléchi désormais....
IDOMÉNÉE.
Ah mon fils ! puisse-t-il ue s'expliquer jamais!
Adieu. SCÈNE IV.
IDAMANTE, POLYCLÈTE.
IDAMAMTE.
De cet accueil qu'attendre, Polyclèîe? Que ce silence affreux me trouble et m'inquiète! Que m'annonce mon père? Il me voit a regret: Aurait-il pénétré mon fuueste secret? Sait-il par quel amour mou arae est entraînée? Hélas ! bien d'antres soius pressent Idoménée: Ce roi comblé de gloire, et qui n'aima jamais , Ne s'informera point si j'aime ou si je hais. Il ignore qu'un sang qui fit tonte sa haiue Fasse tont mon amour, que j'adore Érixèue. Que ne mVst-il permis d'ignorer à mon tour Que la haiue sera le prix de mon amour! 3e défis Mérion ; plus juste ou plus sévère, Le roi sacrifia ce prince téméraire: Prémices d'un retour fatal à tous les deux , Prémices d'un amour encor plus malheureux. C'est en vain que mon cœur brûle pour Erixène; En vain,...

SCÈNE V.
HUMANTE, ÉR1XÈNE , POLYCLÈTE,
ISMÈNE.
IDAMANTE.
UAns cette nnit, ciel! quel dessein l'amèue!
( à Erixèue. )
Madame,'quel bonheur ! Eussé-je cru devoir
A la fureur des dieux le plaisir de vous voir?
ÉrixÈne.
J'espérais, mais en vain, jouir de leur colère;
J'ai cru que cette nnit allait venger mon père,
Et que le juste ciel, de sa mort irrité ,
N'en verrait point le crime avec impunité.
D'un courroux légitime mntile espérance!
Avec trop de lenteur le ciel sert ma vengeance:
En vain pour vous punir il remplit tont d'horreurs,
Puisqu'il pent de mes maux éparguer les anteurs.
I DAMANTE.
J'ignore auprès des dieux ce qui nous rend coupahl.
J'ignore quel forfait les rend iuexorables;
Mais je sais que le sang qui fait couler vos pleurs
N'a point sur nous, Madame, attiré ces malheurs.
Avant qu'un sang si cher eût arrosé la terre ,
Le ciel avait déjà fait gronder son tonuerre.
Aiusi, pour Tous venger, n'attendez rien des dieux,
Si ce n'est de l'amour, qui pent tont par vos yeux.

Que le courroux du ciel de cent villes fameuses
Fasse de lougs déserts, des retraites affreuses;
Que les ombres du Styx habitent ce séjour;
Tont vous vengera moius qu'un téméraire amour.
Seul il a pu remplir vos vœux et votre attente:
Je défis votre père , il vous livre I dam an te:
Lorsque rous imploriez les traits d'un dieu vengeur,
Tous les traits de l'amour vous vengeaient daus mou cœur.
ÉRIXÈNE.
Quoi! Seigueur, vous m'aimez?
IDA.MANTE.
Jamais l'amour, Madame , Daus le cœur des humaius n'alluma plus de flamme. Saus espoir, daus vos fers toujours plus engagé....
ERIXENE.
O mon père ! ton sang va donc être vengé!
IDAMANTE,
Si l'amour près de vous pent expier un crime ,
Je rends grâce à l'amour du choix de la victime:
Heureux même, à ce prix, que vous daigniez souffrir
Les vœux qu'un tendre cœur brûlait de vous offrir!
Je sais trop que vos pleurs condamuent ma tendresse î
Au sang que vous pleurez , hélas! tont m'intéresse.
ÉRIXÈNE.
Que m'importent, cruel, les vaius regrets du cœur,
Après que votre main a servi sa fureur?
IDAMANTE.
J'ai suivi mon devoir, Madame; et sa défaite
Importait à mes soius, importait à la Crète.
La sûreté du prince ordonna ce trépas;
Et, pour comble de maux, j'ignorais vos appas.
Mérion a rendu sa perte légitime:
Sa mort, saus mon amour, ue serait pas un crime.

ÉRIXÈNE.
C'est-à-dire, Seigueur, qu'il mérita son sort?
Saus vouloir démêler les causes de sa mort,
Si de ces tristes lieux le fuueste héritage
Du superbe M in os dnt être le partage;
Si mon père, sorti du sang de tant de rois,
D'Idoménée enfin a dû subir les lois;
Quel espoir a nourri cet amour qui m'ontrage?
Et pourquoi m'en offrir un imprndent hommage?
Vainqueur de Mérion , fils de son assassin,
La source de mes pleurs s'ouvrit par votre main:
Est-ce pour les tarir que vos feux se déclarent?
Songez-vous queces pleurs pour jamais nous séparent?
Sous le poids de vos fers , je n'arrive en ces lieux
Que pour y recevoir les plus tristes adieux.
Mérion expirait; sa tremblante paupière
A peiue lui laissait un reste de lumière;
Son sang coulait encore, et coulait par vos coups:
Barbare! en cet état me parlait-il pour vous?
Qu'il m'est doux de vous voir brûler pourErixèue!
Couservez votre amour, il servira ma haiue.
Adieu, Seigueur: c'est trop vous permettre un discourt
Dont ma seule vengeance a dû souffrir le ceurs.

SCÈNE VI.
IDAMANTE , POLYCLÈTE.
POLYCLETE.
Ar Seigueur! fallait-il découvrir ce mystère?
Avez-vous dù parler?
ID AMANTE.
Ai-je donc pu me taire?
Près de l'objet enfin qdi cause mon ardeur,
Pouvais-je retenir tant d'amour dans mon cœur?
Que dis-tu ? Toujours plein de cette ardeur extrême,
Le hasard saus témoin m'offre tont ce que j'aime;
Et tu veux de l'amour que j'étouffe la voix ,
Libre de m'expliquer pour la première fois!
D'un attrait si puissant, eb ! comment se défendre?
Mou amour malheureux voulait se faire entendre....
Mais quel trouble inconnn remplit mon cœur d'effroi!
Cherchous daus ce palais à rejoindre le roi:
Allous. Bientôt la nnit, moius terrible et moius sombre,
Va découvrir les maux qu'elle cachait daus l'ombre.
Ces lieux sont éclairés d'un triste et faible jour:
Egesippe déjà doit être de retour.
Suis-moi: près de mon père il fant que je me rende.
Sachous, pour s'apaiser, ce que le ciel demande.
Quel présage! et qu'attendre eu ces fuuestes lieux,
Si tont, jusqu'à l'amour, sert le courroux des dieux?
FIN DU PREMIER
Â.CTK.
ACTE SECOND.
SCENE PREMIERE.
ÉRIXÈNE, ISMÈNE.
ISMENE. i
Madame , en ce palais pourquoi toujours errante?
ÉrixÈne
Lieux cruels, sonteuez ma fureur chancelante;
Lieux encor teints du sang qui me donna le jour,
Du tyran de la Crète infortuné séjour,
Éteruels monnmeus d'uue douleur a mère;
Lieux terribles , témoius de la mort de mon père;
Lieux où l'on m'ose offrir de coupables amours,
Prêtez à ma colère un ntile secours:
Retracez-moi saus cesse uue triste peinture;
Contre un honteux amour défendez la nature.
O toi qui vois la peiue où ce feu me réduit ,
Vénns, suis-je d'un sang que ta haiue poursuit?
Ou fant-il qu'en des lieux remplis de ta vengeance
Les cœurs ue puissent plus brûler daus l'innocence?
Laisse au sang de Minos ses affronts, ses horreurs;

Sur ce sang odieux signale tes fureurs.
Laisse au saug de Minos Phèdre et le labyrinthe ,
Au mien sa pureté saus tache et saus atteinte.
ISMÈNE.
Madame ! quel trausport! qu'entends-je ! et quel discours! Quoi! Tous vous reprochez de coupables amours!
ÉRIXtNE.
Tont reproche à mon cœur le feu qui me dévore;
Je respire un amour que ma raison abhorre.
De mon père en ces lieux j'ose trahir le sang;
De mon père immolé je vieus rouvrir le flanc;
A la main des bourreaux je joius ma main sanglante;
Enfin, ce cœur si fier brûle pour Idamante.
ISMÈNE.
Vainqueur de votre père....
ÉRIXÈîfE,
Ismèue, ce vainqueur
Snt saus ancun effort se soumettre mon cœur.
Je me défiais peu de la main qui m'enchaîue,
Ayant tant de sujets de vengeance et de haiue;
Ni qu'Idamante eu dût interrompre le cours ,
Avec tant de raisous de le haïr toujours;
Comptant sur ma douleur, ma fierté, ma colère,
Et, pour tont dire enfin, sur le sang de mon père;
Et mou père en mes bras ue faisait qu'expirer,
Lorsqu'un antre que lui me faisait soupirer.
A des yeux encor pleins d'un spectacle effroyable
Idamante parnt, et parnt trop aimable.
Aujourd'hui même encor l'amour a prévalu:

J'allais céder, Ismèue, ou peu s'en est fallu.
Quand le prince m'a fait le récit de sa flamme ,
H entraînait mon cœur, il séduisait mon ame;
Déjà ce faible cœur, d'accord avec le sien,
Lui pardonnait un feu qu'antorise le mien.
Des pleurs que j'ai versés prête à lui faire grâce,
Mon amour m'alliait aux crimes de sa race:
Près de ce prince, enfin, mon esprit combattu,
Saus un peu de fierté, me laissait saus vertu;
Et lorsque ma raison a rappelé ma gloire,
Daus le fond de mon cœur j'ai pleuré ma victoire.
ISMÈNE.
Votre cœur saus regret ue pent donc triompher D'un feu qu'en sa naissance il fallait étouffer? Ah! du moius, s'il n'en pent dompter la violence , Faites à vos trausports snccéder le silence.
ÉRIXÈNE.
Si je craignais qu'un feu déclaré malgré moi
Dût jamais éclater devant d'antres que toi ,
Daus la nnit du tombeau toujours prête à descendre,
J'irais eusevelir ce secret sous ma cendre.
Quoiqu'à mes yeux pent-être Idamante ait trop plu,
Il me sera toujours moius cher que ma vertu;
D'un amour que je craius il aura tont à craindre:
Avec ma haiue seule il serait moius à plaindre.
Non , mon père, ton sang lâchement répandu
A tes fiers enuemis ue sera point vendu;
Et le cruel vainqueur qui surprend ma tendress»
Ajonte à ses forfaits celui de ma faiblesse.

Je saurai le punir de son crime et da mien..„
Le roi paraît.... Fuyous un fâcheux entretien.
SCENE IL
[DOMÉNÉE, ÉRIXÈNE, SOPHRONYME, ISMÈNE.
IDOMENEE.
Madame, demeurez.... Demeurez, Érixèue.
Mérion par sa mort vient d'éteindre ma haiue;
Aiusi ue craiguez point ma rencontre en ces lieux:
Vous pouvez y rester saus y blesser mes yeux.
Mérion me fnt cher, mais de cet infidèle
Mes bieufaits redoublés ue firent qu'un rebelle.
Vous le savez, l'ingrat, pour prix de ces bienfaits.
Osa contre leur roi soulever mes sujets.
Son crime fnt de près suivi par son supplice ,
Et son saug n'a que trop satisfait ma justice:
Je l'en vis à regret laver sou attentat;
Mais je devais sa tête à nos lois , à l'état:
Et près de vous j'oublie uue loi trop sévère ,
Qui rend de mes pareils la haiue héréditaire,
ÉRIXÈNE.
Si, content de sa mort, votre haiue s'éteint
Daus le sang d'un héros dont ce palais est teint,
La mienue, que ce saug éternise en mou aiue ,
A votre seul aspect se redouble et s'enflamme.
J'ai vu mon père , hélas! de mille coups percé;
Tont son sang cependant n'est pas encor versé....
Que sa mort fût enfin iujuste ou légitime ,
Auprès de moi du moins songez, qu'elle estuncrime:
Mon courroux là-dessus ue connaît point de loi
Qui puisse daus mon cœur justifier un roi.
De maximes d'état colorant ce supplice ,
Vous prétendez eu vain couvrir votre iujustice:
Le ciel, qui contre vous semble avec moi s'unir,
De ce crime odieux va bientôt vous punir.'
Contre vous dès long-temps un orage s'apprête;
De mes pleurs chaque jour je grossis la tempête.
Puissent les justes dieux, seusibles à mes pleurs ,
A mou juste courroux égaler vos malheurs!
Et puissé-je à regret voir que tonte ma haine
Vondrait en vain y joindre uue nouvelle peiue?

IDOMÉNÉE.
Ah! Madame , cessez de si fuuestes vœux;
N'offrez point à nos maux un cœur si rigoureux.
Vous ignorez encor ce que peuvent vos larmes:
Ne prêtez point aux dieux de si terribles armes,
Belle Érixène; enfin , n'exigez plus rien d'eux.
Non , jamais il ue fnt un roi plus malheureux:
Du destin enuemi je n'ai plus rien à craindre:
J'éprouve des malheurs dont vous pourriez me plaindre.
Ces beaux yeux, saus pitié qui pourraient voir ma mort,
Ne refuseraient pas des larmes à mou sort.
Sur mou peuple des dieux la fureur implacable
,eus est le moius redontable;
un dieu toujours vengeur 

[graphic]

SCENE III. 1D0MÉNÉK, SOPHRONYME.
SOPHROIÏYME.
Que faites-vous, Seigueur,est-il temps que votre aiue
S'abandonue aux trausports d'une honteuse flamme?
IDOMÉIïÉE.
Pardonue; tu le vois , la raison à sou gré
Ne règle pas un cœur par l'amour égaré.
Je me défends en vain : ma flamme impétueuse
Détruit tous les efforts d'uue ame vertueuse;
D'un poison enchanteur tous mes seus prévenns
Ne servent que trop bien le courroux de Vénns.
Je sens tonte l'horreur d'nu amour si fuueste;
Mais je chéris ce feu que ma raison déteste:
Bien plus , de ma vertu redontant le retour,
Je combats plus souvent la raison que l'amour.
SOPHRONYME.
Ah Seigueur! est-ce aiusi que le héros s'exprime?
Est-ce aiusi qu'un grand cœur cède au joug qui l'opprime?
Le courroux de Vénns pent-il antoriser
Des fers que votre gloire a dû cent fois briser?
Parmi tant de malheur s, est-ce au vainqueur de Troie
A compter un amour dont il se fait la proie?
Qu'est devenu ce roi plus grand que ses aïeux,
Que ses vertus semblaient élever jusqu'aux dieux,
Et qui, seul la terreur d'uue orgueilleuse ville.

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Cent fuis aux Grecs tremblaus fit oublier Achille?
L'amour, avilissant l'honueur de ses travaux ,
Sous la honte des fers m'a caché le héros.
Peu digue du hant rang où le ciel l'a fait naître ,
Un roi n'est qu'un esclave où l'amour est le maître.
N'allez point établir sur son faible pouvoir
L'oubli de vos vertus ni de votre devoir.
Que l'amour soit en nous ou penchaut ou vengeance,
La faiblesse des cœurs fait tonte sa puissance.
Mais , Seigueur, s'il est vrai que, maîtres denos cœurs ,
De nos divers penchaus les dieux soient les anteurs.
Quand même vous croiriez que ces êtres suprêmes
Pourraient détermiuer nos cœurs malgré nous-mêmes ,
Essayez sur le vôtre un effort glorieux;
C'est là qu'il est permis de combattre les dieux.
Ce n'est point en faussant uue augnste promesse
Qu'il fant contre le ciel vous exercer saus cesse.
Se pent-il que l'amour vous impose des lois?
Et le titre d'amant est-îl fait pour les rois?
Au milieu des vertus où sa grande ame est née.
Doit-on de ses devoirs iustruire Idoménée?
IDOMÉNÉE.
A ma raison du moius laisse le temps d'agir,
Et combats mon amour saus m'en faire rougir.
Avec trop de rigneur ton entretien me presse:
Plaius mes maux, Sophronyme, ou flatte ma faiblesse.
A. ce feu que Vénns allume daus mon sein ,
Reconnais de mon sang le malheureux destin.
Pouvais-je me soustraire à la main qui m'accable?
Respecte des malheurs dont je suis peu coupable,
Pasiphaé ni Phèdre, en proie à mille horreurs, -
N'ont jamais plus rougi daus le fond de leurs cœurs.
Mais que dis-je? est-ce assez qu'en secret j'en rougisse,
Lorsqu'il fant de ce feu que mou cœur s'affranchisse?
Hé! d'un amour formé sous l'aspect le plus noir
Daus mon cœur saus vertu quel pent être l'espoir?
Enuemi, malgré moi, du penchant qui m'entraîue .
Je n'ai point prétendu courouner Érixènc:
Je m'àte le seul bîeu qui pouvait l'éblouir;
De ma courouue enfin un antre va jouir.

SOPHRONYME.
Gardez-vous de tenter un coup si téméraire. IdomÉnÉe.
Par tes couseils en vain tu vondrais m'en distraire.
A mon fatal amour, tu connaîtras du moius
Que j'ai donné mon cœur, saus y donner mes soins;
Car enfin, dépouillé de cet augnste titre ,
Tou roi de son amour ue sera plus l'arbitre.
Daus ces lieux, où bieutôt je ne pourrai plus rien,
.Mon fils va devenir et ton maître et le mien.
Essayous si des dieux la colère implacable
Ne pourra s'apaiser par un roi moins coupable;
On du moius, sur un vœu que le ciel pent trahir,
Mettous-nous hors d'état de jamais obéir.
Non comme uue victime aux antels amenée ,
Tu verras couronuer le fils d'Idoménée.
Le ciel après , s'il vent, se vengera sur moi:
Mais il n'armera point ma main contre mon roi;

Et, si c'est immoler cette tête sacrée ,
La victime par moi sera bientôt parée.
Ce prince ignore encor quel sera mon dessein;
Sait-il que je l'attends?
SOPHRONYME.
Daus le temple prochain,
Au ciel, par tant d'horreurs qui poursuit son supplice,
Il prépare, Seigueur, un triste sacrifice ,
Et, mouillant de ses pleurs d'iuseusibles antels.
Pour vous, pour vos sujets il s'offre aux immortels.
IDOMÉNÉE.
Vous n'êtes point tonchés d'uue vertu si pure! Pardonuez donc, grands dieux, si mou cœur en murmure 0 mon fils!
SCÈNE IV.
IDOMÉKÉE, SOPHRONYME, ÉGÉSIPPE.
IDOMENEE.
Mais que vois-je ? et quel fuueste objet!
Égésippe revient, tremblant, triste, défait!
Que dois-je soupçonuer? Ah mon cherSophrouyme!
Le ciel impitoyable a nommé sa victime.
égésippe.
Quelle victime encor! que de pleurs, de regrets,
Nous vont coûter des dieHx les barbares décrets!
Pourrai-je sans frémir nommer....
IDOMÉNÉE.
Je t'en dispeuse;
Courre plntôt ce nom d'un éteruel silence:
De ton secret fatal je suis peu curieux,
Et sur ce point enfin j'en sais plus que les dieux.
SOPHRONYME.
Écontez cependant.
IdokénÉe.
Que veux-tu que j'éconte? D'un arrêt inhumain tu crois donc que je doute ?... Mais poursuis , Égésippe.
ÉQÉSIPFE.
Au pied du mont sacré Qui fnt pour Jupiter un asile assuré , J'interroge en tremblant le dieu sur nos misères. Le prêtre destiné pour les secrets mystères Se traîue, prosterné , près d'un antre profond; Ouvre.... Avec mille cris le gouffre lui répond; D'affreux gémissemeus et des voix lamentables Formaient à longs sanglots des acceus pitoyables, Mais qui venaient à moi comme des sous perdus , Dont résonnait le temple en échos mal rendus. Je prêtais cependant uue oreille attentive , Lorsqu'enfin uue voix, plus forte et plus plaintive, A paru rassembler tant de cris douloureux, Et répéter cent fois : « O roi trop malheureux ! » Déjà saisi d'horreur d'uue si triste plainte, Le prêtre m'a bientôt frappé d'uue antre crainte, Quand , relevant sur lui mes timides regards, Je le vois, l'œil faronche et les cheveux épars , Se débattre long-temps sous le dieu qui l'accable,

Et prononcer enfin cet arrêt formidable':
« Le roi n'ignore pas ce qu'exigent les dieux;
Maître encor de la Crète et de sa destinée ,
Il porte daus ses maius le salnt de ces lieux;
Il fant le sang d'idomenée. »
IDOMÉNÉE.
Le roi n'ignore pas ce qu'exigent les dieux!
Sophronyme.^
Tu vois si les cruels pouvaient s'expliquer
Grâces à leur fureur, tonte erreur se dissipe;
J'entrevois.... Il suffit : laisse-nous , Egésippe.
Sur un secret enfin qui regarde ton roi, > ,
Songe, malgré les dieux, à lui garder ta foi.
SCÈNE V.
IDOMÉNÉE, SOPHRONYME.
IDOMÉNÉE.
Tu vois sur nos destins ce que le ciel prononce;
Eu redoutais-je à tort la fuueste répouse?
Il demande mon fils; je n'en puis plus donter,
Ni de mou trépas même un iustant me flatter.
Mâues de mes sujets, qui des bords du Cocyte
Plaiguez eocor celui qui vous y précipite ,
Pardonuez : tont mon sang, prêt à vous secourir.
Aurait coulé, si seul il me fallait mourir;
Mais le ciel irrité vent que mon fils périsse,
Et mon cœur ue vent pas que ma main obéisse.
Moi, je verrais mou fiis sur l'antel étendu 1

Tont son sang coulerait par mes maius répandu!
Non, il ue mourra point.... je ue puis m'y résondre.
Ciel, n'attends rien de qui n'attend qu'un coup de fondre.
SCÈNE VI.
IDOMÉNÉE , IDAMANTE, SOPHRONYME.
IDAMAIîTE.
Par votre ordre, Seigueur....
IDOMÉNÉE.
Dieux! qu'est-ce que je voi?
IDAMANTE.
Quelles horreurs ici répandent tant d'effroi?
Quels regards! D'où vous vient cette sombre tristesse?
Quelle est eu ce moment la douleur qui vous presse?
Du temple daus ces lieux aujourd'hui de retour,
Égésippe, dit-on , s'est fait voir à la cour.
Le ciel a-t-il parié? sait-on ce qu'il exige?
Est-ceunordredes dieux, Seigueur, qui vous afflige?
Savons-nous par quel crime....
IDOMÉNÉE.
Un silence cruel
Avec le crime encor cache le crimiuel.
Ne cherchous point des dieux à troubler le silence;
Assez d'antres malheurs éprouvent ma coustance....
Ah ! mon fils , si jamais votre cœur généreux
A partagé les maux «l'un père malheureux,

Si Tous fûtes jamais seusible à ma disgrâce ,
Au trôue en ce moment daiguez remplir ma place.
IDAMANTE.
Moi, Seigueur?
IDOMÉNÉE.
Oui, mon fils: mon cœur reconnaissant Ne vent point que ma mort vous en fasse un présent. Je sais que c'est un rang que votre cœur dédaigue: Mais qu'importe ? Il le fant.... réguez....
IDAMANTE.
Moi, que je règue , Et que j'ose à vos yeux me placer daus un rang Où je dois vous défendre au prix de tont mon sang? A cet ordre , Seigueur, est-ce à moi de souscrire? Ciel ! est-ce à votre fils à vous ravir l'empire? IdoménÉe.
Réguez, mon fils , réguez sur la Crète et sur moi; Je le demande en père, et vous l'ordonue en roi. Cher Prince, à mes désirs que votre cœur se rende: Pour la dernière fois pent-être je commande.
IDAMANTE.
Si votre nom ici ue doit plus commander, N'attendez point, Seigueur, de m'y voir succéder. Et qui pent vous forcer d'abandonuer le trôue? IdomÉïfée.
Eh bien! réguez, mon fils, c'est le ciel qui l'ordonue....
IDAMANTE.
Le ciel lui-même , bêlas! le garant de ma foi,
Le ciel m'ordonuerait d« détrôuer mon roi!

De tont ce que j'entends que ma frayeur redouble! Ah ! par pitié, Seigueur, éclaircissez mou trouble; Dissipez les horreurs d'un si triste entretien: Est-il dans votre cœur des secrets pour le mien? Parlez, ue craiguez point d'augmenter mes alarmes; C'est trop se taire... Ah ciel ! je vois couler vos larmes! Vous me cachez eu vain ces pleurs que j'ai surpris. Dieux ! que m'annoncez-vous ? Ah Seigueur!....
IDOMÉNÉE.
Ah mou fils 1 Voyez où me réduit la colère céleste.... Sophronyme, fuyous cet entretien fuueste....
IDA.MJLII TE.
Où fuyez-vous, Seigueur?
IDOMÉNÉE.
Je Tous luis à regret, Mon fils ; Tous n'en saurez que trop tôt le secret.
SCÈNE Vit
ID AMAN TE, W.
Dieux! quel troubleestlemien! Quel horrible mystère
Fait fuir devant mes yeux Sophrouyme et mou père?
Non , suivous-le : çon cœur encor mal affermi
Ne me pourra cacher son secret qu'à demi;
Je l'ai Tu s'émouvoir, et contre ma poursuite
Il se défendait mal saus uue prompte fuite.
Pénétrous... Mais d'où vient que je me seus glacer?
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ACTE TROISIÈME.
SCÈNE PREMIÈRE.
ÉRIXÈNE, ISMÈNE.
ISMÈNE.
Enfin l'amour soumet aux charmes d'Érixèue
L'objet de sa tendresse et l'objet de sa haiue.
Vous triomphez , Madame; et vos fiers enuemis
Bientôt par vos appas se verront désunis.
ÉRIXÈïîE.
Quel triomphe! peux-tu me le vanter encore,
Quand je ue puis dompter le feu qui me dévore?
Après ce que mon cœur en éprouve en ce jour,
Du soin de me venger dois-je charger l'amour?
En me livrant le fils s'il flattait ma colère,
Je ue l'implorais pas pour me venger du père.
Tant qu'aux lois de l'Amour mon cœur sera soumis,
Que dois-je en espérer contre mes enuemis?
ISMÈNE.
Tous pouvez doue, Madame , employant d'antres arme
s

Punir saus sou secours l'anteur de t
Puisque le juste ciel , de concert avec vous ,
Semble sur vos désirs mesurer sou courroux.
Tont vous livre à l'envi le fier Idoménée:
Par un arrêt des dieux sa tête est condamnée;
L'oracle la demande, et ce funeste jour
Va le punir des maux que vous fit son retour.
Si vous voulez vous-même , achevant sa disgrâce ,
Hâter le coup affreux dont le ciel le menace,
Répandez le secret qui vous est dévoilé;
Et qu'Egésippe eu vain ue l'ait point révélé.
Du prince votre père ami toujours fidèle ,
Vous voyez à quel prix il vous marque sou zèle:
Imitez-le , Madame , et qu'un sang odieux
Par vos soius aujourd'hui se répande en ces lieux.
De l'intérêt des dieux faites votre vengeance,
Et d'un peuple expirant faites-en la défeuse;
Montrez-lui sou salnt daus ce terrible arrêt:
Vous , lui, les dieux euiiu , n'avez qu'un intérêt....
D'où vient que je vous vois interdite et tremblante?
Craiguez-vous d'exciter les plaintes d'Idamante?
ÉRIXÈNE.
Hélas! si près des maux où je vais le plonger,
Un seul moment pour lui ue puis-je m'affliger?
Que veux-tu? je frémis du spectacle barbare
Que mou juste courroux eu ces lieux lui prépare;
Je seus trop, par les pleurs que je verseaujourd'hui,
Quelle est l'horreur du coup qui va tomber sur lui.
Tu sais que pour le roi son amour est extrême.
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ISMÈitE.
H ue Tous reste plus que d'aimer le rqi même.
Qu'entends-je? Devos pleurs importunant les dieux,
Vos plaintes chaque jour l'ont retentir ces heux;
Et quand le ciel prononce au gré de votre envie,
Vous n'osez plus poursuivre uue odieuse vie!
Songez, puisque les dieux vous ouvrent leurs secrets,
Qu'ils vous chargent par-là du soin de leurs décrets
Et qu'auriez-vous donc fait, si, trompantvotrealtente
L'oracle eût demandé la tête d'Idamante
Puisque vous balancez....
A quoi bon ces trausports?
Je conçois bien , sans toi, de plus nobles efforts.
Malgré tont mon amour, mon devoir est le même:
Mais pent-on saus trembler opprimer ce qu'on aime?
Un je ue sais quel soin me saisit malgré moi,
Et mon propre courroux redouble mon effroi.
Ne craius rien cependant; mais laisse saus contrainte
A des cœurs malheureux le secours de la plainte.
Je n'ai point soccombé pour avoir combattu,
Et tes raisous ici ue font point ma vertu....
Egésippe en ces lieux se fait long-temps attendre.

SCÈNE IL
ÉRIXÈNE , ISMÈNE , ÉGÉSIPPE.
EGESIPPE.
Madame, pardonuez : j'ai dû plus tôt m'y rendre:
Mais un ordre pressant, que je n'attendais pas ,
Malgré moi loin de vous avait porté mes pas.
C'en est fait, le tyran échappe à notre haiue.
Hâtons notre vengeance, ou sa fuite est certaiue;
Ses vaisseaux sont tont prêts ; et déjà sur les flots
Remontent à l'envi soldats et matelots.
Un gros de nos amis près d'ici se rassemble:
Tandis que daus ces lieux tont gémit et tont tremble,
On pent daus ce désordre échapper du palais.
Veuez au peuple eufiu vous montrer deplus près....
Mais le tyran paraît; évitez sa présence.
Je vais dès ce moment servir votre vengeance.
SCENE II L
IDOMÉNÉE, ÉGÉSIPPE.
IDOMÉNEE.
Mes vaisseaux sont-ils prêts?
ÉGÉSIPPE.
Oui, Seigueur; mais les eaux D'un naufrage assuré menacent vos vaisseaux:
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La mer gronde , et ses flots font mugir le rivage; L'air s'en flamme,et ses feux n'annoncent que l'orage. De qui doit s'embarquer je déplore le sort. Serait-ce vous , Soigueur?
IDOMÉNEE.
Qu'ou m'aille attendre au port.
SCÈNE IV.
IDOMÉNÉE , seul
Aizrsi donc tont menace uue innocente vie!
O mon fils! fandra-t-il qu'elle te soit ravie?
A des dieux saus pitié ue te puis-je arracher?
Quel asile contre eux désormais te chercher?
Que n'ai-je point tenté ? Je t'offre ma couronue;
Un départ rigoureux par moi-même s'ordonue;
Je crois t'avoir sauvé quand j'y puis cousentir:
Kt les ondes déjà s'ouvcent pour t'englontir!
Fuis cependant, mon fils; l'orage qui s'apprête
Est le moindre péril qui menace ta tête.
Quoique je n'aie, hélas! rien de plus cher que toi ,
Tu n'as pas d'euueini plus à craindre que moi.
O mon peuple! o mon fils! promesse redontable!
Roi, père malheureux! dieux cruels ! vœu coupable!
O ciel! de tant de maux toujours moius satisfait.
Tu n'as jamais tonné pour un moindre forfait!
Et vous, fatal objet d'uue flamme odieuse ,
Érixèue , à mon cœur toujours trop précieuse ,


Fuyez avec mon fils de ces fuuestes lieux: , Pour tont ce qui m'es t cher j'y dois craindre les dieux.
SCÈNE V.
IDOMÉNÉE , IDAMANTE.
IDAM ANTE.
Maigre l'affreux péril du plus cruel naufrage,
Ou dit que vos vaisseaux vont quitter le rivage:
Quoique de ces apprêts mon cœur soit alarmé ,
Je ue vieus point, Seigneur, pour en être informé
Je sais de vos secrets respecter le mystère ,
Et l'on ue m'en fait plus l'heureux dépositaire.
IDOMÉNÉE.
Mou cœur, que ce reproche accuse de changer, Vous tait des maux qu'il craint de vous voir partager. Il en est cependant dont il fant vous instruire.
'{ à part. )
Ces vaisseaux.... ces apprêts.... Ciel! que lui vais-je dire? Ah mon fils!... Non, mon cœur n'y saurait cousentir.
I DAMANTE.
Dieux ! que vous m'atarmez!
, IDOMÉNÉE.
Mou fils, il fant partir.
I DAMANTE.
Qui doit partir?
IDOMÉNÉE.
Vous.


*
IDA MANTE.
Moi ! ciel! qu'entends-je?
IdomÉnÉe.
Vous-même
Il fallait accepter l'offre du diadème.
Fuyez , mon fils , fuyez un ciel trop rigoureux,
Un rivage perfide , un père malheureux.
IDAMANTE.
Ciel! qui m'a préparé cette horrible disgrace?
La mort même entre nous ue pent mettre un espace.
N'accabler, point mon cœur d'un pareil désespoir.
Je goûte à peiue, hélas! le bien de vous revoir....
Pourquoi réguer?pourquoi fant-il que je vous quitte?
Quel est doue le projet que votre an,e médite?
IDOMÉNÉE.
Voyez par quels périls vos jours sont menacés;
Fuyez, n'insistez plus ; je craius, c'en est assez.
Jugez par mon amour de ce que je dois craindre,
Puis qu'à nous séparer ce soin m'a pu contraindre:
Jugez de mes frayeurs.... Ah! loin de ces climats
Allez chercher dps dieux qui ue se vengent pas.
I DAM AIf TE.
Eh! que pourrait m'offrir uue terre étrangère .
Que des dieux enuemis, si je ue vois inou père?
Vos dieux seront les mieus; laissez-moi, près de Yous
De ces dieux irrités partager le courroux.
IDOMF.NÉE.
Al,! fuyez-moi.... fuyez, le ciel qui m'environue.
Fuyez, mou fils, fuyez.... puisqu'en6n je l'ordonue;


Et saus vous informer du secret de mes pleurs f
Fuyez, ou redontez le comble des horreurs.
Avec vous à Samos conduisez Erixèue.
IdamaÏÏte.
Seigueur....
IDOMÉNÉE.
Ce ue doit plus être un objet de haine:
Des crimes de son père immolé par nos lois
La fille n'a point dû porter l'iujuste poids.
Adieu : pent-être un jour le destin moius sévère
Vous permettra, mon fils, de revoir votre père.
Dérobez cependant à des dieux enuemis
Uue princesse aimable, un si généreux fils.
IDA MANTE.
Erixèue! eh! pourquoi compague de ma fuite?
Expliquez ...Mais je vois que votreameest iustruite
Erixèue, Seigueur, m'est un présent bien doux:
Mais tont cède à l'horreur de m'éloiguer de Tous.
A ce triste départ quel astre pourrait luire?
Voyez le désespoir où vous m'aUez réduire.
En vain sur cet exil vous croyez me tenter:
Plus vous m'offrez, Seigueur, moius jepuis vous quitter.
Je vous dois trop, hélas!... Quelle tendresse extrême!
M'offrir en même jour et sceptre et ce que j'aime!
Hou....
JDOMéNÉl..
Ce que vous aimez?
IDAMANTE.
Ah! pardonuez, Seigueur;


Je le vois: vous savez les secrets de mon cœur.
Pardonuez : j'en ai fait un coupable mystère;
Non que, pour vous tromper, je voulusse m'en taire..
Mais d'un feu qu'en mon sein j'avais cru renfermer
Hé ! qui, Seigueur, encore a pu vous informer?
Ah! quoiqu'il soit trop vrai que j'adore Érixèue...
IDOMÉNÉE.
Poursuivez, dieux cruels; ajontez à ma peiue:
Me voilà parvenn, par tant de maux divers ,
A pouvoir défier le ciel et les enfers.
Je ue redonte plus votre courroux fuueste,
Impitoyables dieux! ce coup en est le reste.
Sur mon peuple à présent signalez vos fureurs;
Et si ce n'est assez, versez-les dans nos cœurs.
Voyez-nous tous les deux , saisis de votre rage ,
Égorgés l'un par l'antre, achever votre ouvrage.
Par de nouveaux dangers arrachez-moi des vœux
Me ferez-vous jamais un sort plus rigoureux?
IDAMANTE.
Où. s'égare , Seigueur, votre ame furieuse?
Érixèue cessait de vous être odieuse ,
Disiez-vous.; et pour elle un reste de pitié
Semblait vous dépouiller de tonte inimitié.
Haïriez-vous toujours cet objet adorable?
Idoménee.
Si je le baissais , seriez-vous si coupable?
O de tous les malheurs malheur le plus fatal?
IDAMANTK.
Seigueur....
IDOMÉnÉE.
Ah 1 fils ingrat, vous êtes mon rival!
IDAMAIÏTE.
O ciel!
IDOMÉNEE.
De quelle main part le trait qui me blesse! Réserviez-vous , cruel! ce prix à ma tendresse? Je ue verrai donc plus daus mes tristes états Que des dieux enuemis et des hommes ingrats! Quoi! toujours du destin la barbare iujustice De tont ce qui m'est cher fera donc mon supplice Imprudent que j'étais! et j'allais couronuer Ce fils qu'à ma fureur je dois abandonuer! Mais c'en est fait, l'amour de mon devoir décide.
tDAMANTE.
Mon père....
IDOHÉNÉE.
O nom trop doux pour un fils si perfide!
IDA-MANTE.
!N'accablee point, Seigueur, un fils infortuné ,
A des maux infinis par l'amour condamué.
Puisqu'enfîn votre cœur s'eu est laiss^surprendre ,
Jugez si d'Erixène on pouvait Hélas ! je ue craignais , adorant ses appas ,
Que d'aimer un objet qui ue vous plairait pas;
Et mon cœur, trop épris d'uue odieuse chaîne.
Oubliait son devoir daus les yeux d'Erixène.
Mais si l'aimer. Seigueur, est un si grand forfait,
L'amour m'en punit bien par les maux qu'il me fait.

IDOMÉNÉE.
Voilà l'unique fruit qu'il en fallait attendre.
D'un amour criminel qu'osiez-vous donc prétendre?
Et quel était l'espoir de vos coupables feux ,
Quand chaque jour le crime augmentait avec eux?
Qu'Erixèue à mes yeux fût odieuse ou chère,
Vos feux également offeusaient votre père.
Je veux bien, cependant, juge moius rigoureux ,
Vous en accorder, Prince, un pardon généreux,
Mais pourvu que votre ame,àmes désirs soumise.
Renonce à tout l'amour dont je la vois éprise.
IDAMANTE.
Ah! quand même mon cœur oserait le vouloir,
Aimer, ou n'aimer pas, est-il en mon pouvoir?
Je combattrais en vain uue ardeur téméraire:
L'amour m'en a rendu le crime nécessaire.
Malgré moi de ce feu je vis mon cœur atteint,
Peut-être malgré moi je l'y verrais éteint.
Mail ce cœur, à l'amour que je n'ai pu soustraire.
Dans le rival du moius aime toujours un père.
Par un nom si sacré tont antre suspendu....
IDOMÉNÉE.
Dans le nom de rival tont nom est confondu. Vous n'êtes plus mon fils; ou, peu digue de l'être, Je vois que tont mon sang n'eu a formé qu'un traître.
IDAMANTE.
Où fuirai-je? grands dieux! De quels noms enuemis Accablez-vous, Seigneur, votre malheureux fils! Ah! quels noms odieux me faites-vous entendre!

Quelle horreur pour un fils respectueux et tendre!
bougez-vous que ce fils est eocor de va nt vous ,
Ce fils long-temps l'objet tle sentiraeus plus doux?
Brûlant d'un feu cruel que je ue puis éteindre,
Vous me devez,Seigueur,moins haïr que me plaindre;
Et si ma flamme enfin est un crime si noir,
Vous êtes bien vengé par mon seul désespoir.
Cessez de mVnvier uue importuue flamme:
Odieux à l'objet qui sait charmer mon aine,
Abhorré d'un rival que j'aimerai toujours ,
Seigueur, voilà le fruit de mes tristes amours.
Mais, puisque de ce feu qui tous deux nous anime
Sur mon cœur trop épris est tombé tont le crime,
Je saurai m'en punir ; et je seus que ce cœur
Vous craint déjà bien moius que sa propre fureur.
Désormais tont en proie au trausport qui me gnide ,
Je vous délivrerai de ce fils si perfide.
Si mon coupable cœur vous trahit malgré moi,
Mon bras plus innocent saura venger mou roi.
Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'ilsert votre vengeance,
Et je vais eu punir ce cœur qui Tous offeuse.
(7/ tire son épée. ) Soyez donc satisfait....
IdomÉnÉe, l'arrê,ant.
~ Arrêtez, furieux....
IDAMANTE.
Laissez couler le sang d'un rival odieux.
IDOMÉNÉE.
Mou fils!...

IDAMAHTE.
D'un uom si cher m'houorez-vous cncore? Laissez-moi me punir d'un feu qui me dévore.
IdomÉ.-îée Ma vertu jusque-là ue saurait se trahir. Va , fils infortuné.... je ue te puis haïr.
IBAMANTE.
Ah Seigueur !...
I DOME NEE.
Laissez-moi , fuyez ma triste vu«; Ne renouvelons plus un discours qui me tue.
SCÈNE VI.
IDOMÉNÉE , seul.
Inexora-bles «lieux, vous voilà satisfaits!
Pour un nouveau courroux vous reste-t-il des traits?
Finis tes tristes jours , père, amant déplorable....
Vengeous-nous bien plntôt, si mou fils est coupable.
Que sais-je si l'ingrat ue s'est point fait aimer?
Saus donte, puisqu'il aime , il aura su charmer.
Il triomphe en secret de mon amour fuueste:
Il est aimé ; je suis le seul que l'on déteste.
Tout mon courroux renaît à ce seul souvenir.
Livrons l'ingrat aux dieux. Qui me pent retenir?
Coule sur nos antels tont le sang d'Idamante....
Coule plntôt le tien....

SCENE VIL
IDOMÉNÉE, SOPHROKYME.
IDOMENEE.
Quel objet se présente? Ah ! c'est toi... Quel malheur au inien peut être égal, Sophronyme ? mon fils....
SOPHRONÏME.
Seigueur?
IDOMÉNÉE.
Est mon rival!
SOPHRONYME.
Il est temps pour jamais d'oublier l'iuhumaiue
Ignorez-vous, Seigueur, le crime d'Érixèue ,
Celui de Mériou ici renouvelé?
L'arrêt des dieux , enfin, au peuple est révélé:
Par Egésippe iustruit....
IDOMÉNÉE.
Ciel! que viens-tu m'apprendre?
SOPHRONYME.
Du port, où par votre ordre il m'a fallu descendre ,
Je revenais , Seigueur : un grand peuple assemblé
M'attire par ses cris, par un bruit redoublé.
Par le seus de l'oracle Érixèue trompée,
Du soin de se venger toujours plus occupée,
De l'intérêt des dieux prétextant son courroux ,
Tâchait de soulever vos sujets contre vous;
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Be tont par Égésippe eacor plus mal iustruite , A voa sujets tremblaus révélait votre fuite; Leur disait que le ciel, pour unique secours , Attachait leur salnt à la fin de vos jours. Pour eux , par leurs regrets, du grand ldoméuée Contens de déplorer la triste destinée, Ils semblaient seuls frappés par l'arrêt du destin: Égésippe a voulu les exciter en vain. Pour moi, qui frémissais de tant de perfidie , Je le poursuis , l'atteius , et le laisse saus vie , Désabuse le peuple; et, content désormais , J'ai ramené, Seigueur, la priocesse au palais.
IDOMÉNEE.
Sujets infortunés, qu'eu mon cœur je déplore,
Au milieu de vos maux me plaignez-vous encore?
Ce qui m'aime à sa perte est par moi seul livré ,
Et tout ce qui m'est cher contre moi conjuré!
Cruel à notre tour, qu'Idamante périsse;
De celui d'Erixèue augmentous son supplice:
Faisous-leur du trépas un barbare lien;
Dans leur sang confondu mêlous encor le mien....
Vains trausports qu'a formés ma fureur passagère î
Hélas! qui fut jamais plus amant et plus père ?....
Mec peuples , cependant, par moi seul accablés....
SOPHRONYME.
Ah! Seigueur, leurs tourmeus sont encor redoublés.
Depuis que le destin a fait des misérables ,
On n'éprouva jamais de maux plus redontables:
Je frémis des horreurs où ce peuple est réduit.


Un gouffre sous Ida s'est ouvert cette nnit:
Ce roc, qui jusqu'aux cieux semblait porter sa cime,
Au lieu qu'il occupait n'a laissé qu'un abîme;
Et de ce roc entier à nos yeux disparu ,
Loin d'en être comblé, ce gouffre s'est accru:
Nous tonchons tont viv ans à la rive infernale.
De ce gouffre profond un noir venin s'exhale;
Et Tos sujets , frappés par d«s feux dé v or aus ,
Tombent de tontes parts, déjà morts ou mouraus.
Aux seuls infortunés le trépas se refuse....
Idomf-nÉe.
Et c'est de tant d'horreurs les dieux seuls qu'on accuse!
Mais quoi ! toujours les dieux! Et qui d'eux ou de moi,
Négligeant sa promesse , a donc mauqné de foi?
Malheureux ! tes sermeus, qu'a suivis le parjure,
Ont soulevé les dieux et toute la nature.
Pour sauver un ingrat, tes soins pernicieux
Trop long-temps sur ton peuple on t exercé les dieux:
A tes sujets enfin cesse d'être contraire.
Eh ! que leur sert un roi, s'il ue leur sert de père?
Leur salnt désormais est ta suprême loi,
Et le sang de son peuple est le vrai sang d'un roi....
Depuis quand tes sujets t'éprouvent-ils si tendre?
Depuis quand ce devoir...? L'amour vient te l'apprendre!
Voilà de ces grands soius le retour trop fatal:
Tu n'es roi que depuis qu'un fils est ton rival;
Contre lui l'amour seul arme tes maius impies;
Voilà le dieu, barbare ! à qui tu sacrifies.
Étouffons tont l'amour dont mon cœur est épris;


N'y laissous plus réguer que la gloire et mou fi1s.
Sur les mêmes vaisseaux préparés pour sa fuite,
Qu'Érixèue à Samos aujourd'hui soit couduite.
Allous.... et que mou cœur, délivré de ses feux,
Commeuce par l'amour à triompher des dieux.
fir DU TROISIEME ACTX.
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SCÈNE PREMIÈRE.
ÉRIXÈNE, ISMÈNE.
ÉHIXÈNB.
En vain tu veux calmer le trausport qui m'agite:
Faibles raisonuemeus dont ma douleur s'irrite!
Laisse-moi, porte ailleurs tes fuuestes avis;
Il m'en a trop coûté pour les'avoir suivis.
Vois ce qu'à tes couseils aujourd'hui trop soumise
Je vieus de recueillir d'uue vaiue entreprise;
Vois ce que ta fureur et la mienue ont produit:
Mou départ et ma honte en seront tont le fruit.
Je ue reverrai plus ce prince que j'adore J
Et, pour comble d'horreur, mon amour croft encore!
En armant contre lui mon devoir inhumain ,
Cruelle! tu m'as mis un poignard daus le sein.
Cher Prince, pardonuez....
SCÈNE IL
IDAMANTE, ÉRIXÈNE, ISMÈNE.
ISMÈNE.
Je le vois qui s'avance. De vos trausports, du moius , cachez la violence. ERIXEJfE.


Eh! comment les cacher? Je sais que je le dois; Mais le puis-je, et le voir pour la dernière fois? Fuyous-le cependant ; sa présence m'étonue.
I DAMANTE.'
Où fuyez-vous , Madame?
ÉRIXEIfE.
Où mon devoir l'ordonue.
IDAMANTE.
Dn moins à la pitié laissez-vous émouvoir.
Vous ue l'avez que trop signalé, ce devoir:
Avec tant de courroux, hélas ! qu'a-t-il à craindre?
Vous ne m'entendrez plus soupirer ni me plaindre.
Tous partez , je vous aime , et vous me haïssez;
Mes malheurs daus ces mots semblent être tracés.
Cependant ce départ, mon amour, votre haiue,
Ne font pas aujourd'hui ma plus cruelle peiue.
C'était peu que votre ame, iuseusible à mes vœux,
Eût de tont son courroux payé mes tendres feux:
Ce malheureux amour que votre cœur abhorre ,
Malgré tous vos mépris, que je chéris encore;
Cet amour qui, malgré votre iujuste rigneur,
Pi 'a jamais plus régné daus le fond de mon cœur,
Cet amour qui faisait le bonheur de ma vie ,
Il fant à mon devoir que je le sacrifie.
IVou que mon triste cœur, par ce cruel effort,
Renonce à vous aimer; mais je cours à la mort:
Heureux si mon trépas , devenn légitime,
Des pleurs que j'ai causés pent effacer le crime! [graphic][ocr errors]

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Ouvrez vos yeux, cruel! et voyez quel spectacle
A mis à sou amour un invincible obstacle.
Son crime daus ces lieux est partont Retracé;
Le sang qui les a teints n'eu est point effacé.
Là , mon père sanglant vint s'offrir à ma vue ,
Et tomber daus les bras de sa fille éperdue:
Vos yeux, comme les mieus , l'ont vu sacrifier;
Fant-il d'antres témoius pour me justifier?
Tont ce que j'ai tenté pour m'immoler sa tête ,
L'oracle révélé , mon départ qui s'apprête ,
Ma fierté, ma vertu , cent ontrages réceus ,
Voilà pour mon devoir des titres suffisaus.
Ne croyez pas, Seigueur, que mon cœur les oublie....
Mais que dis-je? et d'où vient que je me justifie ?...
Gardez tous vos soupçous : bien loin de les baunîr.
Je dois aider moi-même à les entretenir.
IDAMANTE.
Kh bien! pour m'en punir, désormais moius sévère ,
Regardez saus courroux la flamme de môn père:
11 vous aime , Madame . il est digne de vous.
Si j'ai fait éclater des sentimeus jaloux ,
Pardonuez aux trausports de mon ame éperdue:
Je ue connaissais point le poison qui me tue.
Mais, quel que suit l'amour dont je brûle aujourd'hui.
Ma vertu contre vous deviendra mou appui:
Je verrai, sans regret, parer du diadème
Un front que mon amour n'en pent oruer lui-même.
Remontez dès ce jour au rang de vos aïeux:
Votre vertu, Madame, apaisera les dieux.

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Mes ordres sont donnés, et la mer apaisée
Offre de toutes parts uue retraite aisée;
Mes vaisseaux sont tont prêts....Si la fin de mes jours
De vos pleurs cependant pent arrêter le cours ,
Madame , demeurez.... Ma téte condamnée ,
Du fuueste bandeau va tomber couronnée:
Je vais, pour contenter vous et les immortels ...
KRISÈNE.
Je viens donc de ce pas vous attendre aux antels.
SCÈNE IV.
1DOMÉNÉE, SOPHRONYME.
SOPHRONYME.
Quel orgneil ! Mais quel est ce dessein qui m'éton ue?
Par vos ordres exprès quand son départ s'ordonue,
Pourquoi l'arrêtez-vous sur l'espoir d'un trépas?
IDOMÉWÉE.
Pourquoi le lui cacher, et ue l'en flatter pas ,
Puisque je vais mourir?
SOPHROHYME.
Vous mourir! Dieux! qu'entends-je?
IDOMÉNÉE.
Pour t'étonuer si fort, qu'a ce dessein d'étrange?
Plût au sort que mes maius eussent moius différé
A rendre au ciel un sang dont il est altéré!
Pour couserver celui que sa rigneur demande,
C'est le mien aujourd'hui qu'il faut que je répande.
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SOPHROXYHE.
Que dites-vous, Seigueur ? quel affreux désespoir!
Idoménée.
D'un nom plus glorieux honore mon devoir:
Quand j'aurai Tu mon fils, je cours y satisfaire,
.le u'attends plus de vous qu'uue paix sangninaire,
Dieux justes! Cependant d'un peuple infortuné
Détouruez le courroux qui m'était destiné;
Cessez à mes sujets de déclarer la gnerre ,
Et jusqu'à mon trépas suspendez le tonuerre:
Tont mon sang va couler.
SOFHBONYME.
D'un si cruel trausport
Qu'espérez-vous?
Du moius, la dooceur de la mort. Je n'obéirai point; le ciel impitoyable M'offre en vain eu ces lieux un spectacle effroyable. Les mortels peuvent-ils vous offeuser assez Pour s'attirer les maux dont vous les punissez , Dieux puissaus! Qu'ai-je vu? quel fuueste ravage! J'ai cru me retrouver daus le même carnage Où mon bras se plongeait sur les bords phrygiens, Pour venger Ménélas des malheureux Troyens. Les maux des mieus, hélas! sont-ils moiusmpu ouvrage? Uue seconde Troie a signalé ma rage. J'ai revu mes sujets, si tendres pour leur roi, Pâles et languissaus se traîuer après moi. Tu les as vus, tont près de perdre la lumière»[graphic]

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Dût retomber sur moi le trausport qui Tous guide,
Je ue souffrirai point cet affreux parricide.
Nulle crainte en ce jour ue saurait m'émouvoir,
Lorsqu'il fant Tous sauver de votre désespoir.
Je ue Tous connais plus; le grand Idoménée
Laisse à tous ses trausports son ame abandounée.
Ce héros , rebnté d'avoir tant combattu ,
A donc mis de lui-même un terme à sa vertu!
Jetez sur vos sujets un regard moins sévère:
Ils vous ont appelé du nom sacré de père;
De cet augnste nom dédaignant tous les nœnds,
Avez-vous condamné vos sujets malheureux?
Abandonuerez-vous ce peuple déplorable,
Que votre mort va rendre encor plus misérable?
Que lui destiuez-vous par ce cruel trépas,
Qu'un coup de désespoir qui ue le sauve pas?
IDOMÉNÉE.
Tu juges mal des dieux ; leur courroux équitable
S'apaisera bientôt par la mort du coupable:
Je vais eufin, pour prix de ce qu'ils ont sauvé,
Rendre à ces mêmes dieux ce qu'ils ont couservé.
Mon cœur, purifié par le feu des victimes,
Mettra fin à vos maux, mettant fin à mes crimes.
Je seus même déjà dans ce cœur s'allumer
L'ardeur du feu sacré qui le doit cousumer.
Chaque pas, chaque instant qui retarde mon zèle,
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Facilite plntôt le trépas où je cours.
Veux-tu , par les efforts que ton amitié tente ,
Conduire le conteau daus le sein d'ïdamante?
Si je pouvais, bêlas! l'immoler en ce jour,
Je croirais l'immoler moius aux dieux qu'à l'amour.
Qu'il règne : que sa tête, aujourd'hui couronnée.
Redonue à Sophronyme un antre Idoméuée:
Que mon fils, à son tour assuré sur ta foi ,
Retrouve daus tes soius tont ce qu'il perd en moi:
Que par toi tous ses pas tournés vers la sagesse
D'un torrent de flatteurs écartent sa jeuuesse:
Accontume son cœur à suivre l'équité:
Couserve-lui sur-tont cette sincérité
Rare dans tes pareils, aux rois si nécessaire;
Sois enfin à ce fils ce que tu fus au père.
Surmonte ta douleur en i
Et reçois mes adieux daus <
Soprroiîyme, a genoux.
Non, vous ue mourrez point; votre cœur inflexible
Nourrît èn vain l'espoir d'un projet si terrible.
Immolez-moi, Seigueur, ou craiguez....
IDOMEIfEE,
Lève-toi:
Quoique prêt à mourir, je suis toujours tou roi.
Je yeux être obéi; cesse de me contraindre.
Parmi tant de malheurs, est-ce moi qu'il fantplaindre?
Vois quels sont les tourmens qui déchirent mon cœur,
Et, par pitié du moius, laisse-moi ma fureur.

SCÈNE V.
IDOMÉNÉE, IDAMANTE, SOPHRONYME.
. IDOMÉNÉE.
Je vois mou fils. Sur-tont que ta bonche fidèle
De mes tristes projets lui cache la nouvelle:
Je n'en mourrais pas moins; et tes soius dangereux
Rendraient, sans me sauver, mon destin plus affreux.
Idamante , approchez : votre roi vous fait grâce.
Veuez, mon fils , veuez, qu'un père vous embrasse.
Ne craiguez plus mes feux : par un juste retour,
Je vous rends tont ce cœur que partageait l'amour.
Oui, de ce même cœur qui s'en laissa surprendre.
Ce qu'il vous en ravit* je vous le rends plus tendre.
Oublions mes transports, mon fils , embrassez-moi.
IDAMANTE,
Par quel heureux destin retrouvé-je mon roi?
Quel dieu, daus votre sein étouffant la colère ,
Me rouvre encor les bras d'un si généreux père?
Que cet embrassement pour un fils a d'appas!
Je le désirais trop pour ue l'obtenir pas.
Idamante , accablé des rigneurs d'Éûxèue,
N'en a point fait, Seigueur, sa plus cruelle peiue:
Hélas ! quel bruit affreux a passé jusqu'à moi?
Vous m'en voyez tremblant et d'horreur et d'effroi.
IDOMÉNEE.
Prince, de votre cœur que l'effroi se dissipe^

Ce n'est qu'un bruit semé par le traître Egésippe.
Quoi qu'il en soit, je vais, pour m'en éclaircir mieux,
Au pied de leurs antels interroger les dieux.
Heureux si, pour savoir leur volonté suprême,
Je les eusse plus tôt cousultés par moi-même!
IDAMAPÏTE.
Permettez-moi, Seigueur, d'accompaguer vos pas.
IDOMÉNÉE.
Non , mon fils; où je vais vous ue me suivrez pas. D'un mystère où des mieus l'unique espoir se fond* Je veux seul aujourd'hui percer la nnit profonde. Vous apprendrez bientôt quel saug a dû couler: Jusque-là votre cœur ue doit point se troubler. Rejetez loin de vous uue frayeur trop vaiue: J'apaiserai les dieux.... Fléchissez Érixèue.... Adieu....
IÇAMA^TE.
Permettez-moi....
inOMÉNÉl.
Mon fils.... je vous l'ai dit.... Je vais seul aux antels, et ce mot vous suffit
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Qui fait couler ces pleurs qui me glacent d'effroi?
Sophronyme, pariez....
SOPHRONYME.
Qu'exigez-vous de moi?
O déplorable sang! famille infortunée!
Fils trop digue des pleurs du grand Idoménée!
10 AMANT t.
A mon cœur éperdu quel soupçon vient s'offrir?
Parlez , où va le roi?
SOPHROHYME.
Seigueur, il va mourir.
IDAMANTE.
Ah ciel!
SOBBRONTMB.
A 6a fureur mettez un prompt obstacle!
Eh! ce n'est pas son sang que demande l'oracle.
I DAMAN JE.
Quoi! ce n'est pas son sang! Qu'entends-je? quelle horreur! C'est donc le mien?
SOPHROWYME.
Hélas ! j'en ai trop dit, Seigueur!
Fil? »U QUATRIÈME ACTE.


SCENE PREMIÈRE.
IDAMANTE, POLTCLÈTE.
IDA.MA.IfTE.
Qu'ai-jr entendu? grands dieux! quel horrible mystère
M'avait lou»*-temps voilé l'amitié de mou père!
A la fin sans nuage il éclate à mes yeux
Ce sacrilège vœu, ce mystère odieux.
Tous , peuples, qui craiguez d'immoler la victime
Dont le sang doit fléchir le ciel qui vous opprime,
Peuples i cessez de plaindre un choix si glorieux:
Il est beau de mourir pour apaiser les dieux.
( à Poljrclète. )
Sèche ces pleurs honteux où ta douleur te livre;
Que servent tes regrets ? que te sert de me suivre?
Dissipe tes soupçous, ue craius rien, laisse-moi:
Je te l'ordonue enfin, va retrouver le roi.
Hélas! quoique sa main, par mes soius désarmée,
Ne laisse ancuue crainte à mon ame alarmée;
Quoique partont sa garde accompague ses pas,
Cependant, s'il se pent, ue Vabandonue pas.
r Je vondrais avec toi le rejoindre moi-même:


Mais je craius les transports de sa douleur extrême;
Je iue seus pénétré de ses tendres regrets,
Et ue puis, saus mourir, voir ces tristes objets.
SCÈNE II .
IDAMANTE, seul.
Enfin loin des témoius dont l'aspect m'importuue.
Je puis en liberté plaindre mon infortuue;
Et mon cœur, déchiré des plus cruels tourmeus ,
Pent doue jouir en paix de ses derniers momens!
Ciel ! quel est mon malheur! quelle rigneur extrême l
Quel sort pour enuemis m'offre tont ce que j'aime I
Je trouve en même jour coujurés contre moi
Les implacables dieux , ma princesse et mon roi.
Pardonuez, dieux puissaus, si je vous fais attendre;
Je le retiendrai peu ce sang qu'on va répandre:
Mou cœur de sou destin n'est que trop éclairci.
Est-ce pour mes forfaits que vous tonnez aiusi,
Pi*ux cruels?... Que dis-tu, misérable victime?
Né d'un sang crimiuel, te manque-t-il nn crime?
Qu'avaient fait plus que toi ces peuples malheureux
Que le cîel a couverts des maux les plus affreux?
Y a , termiue aux antels uue innocente vie,
Saus accuser les dieux de te l'avoir ravie;
Et songe, en te flattant de leur choix rigoureux.
Que le sang le plus pur est le plus digue d'eux.


Pourrais-tu regretter, objet de tant de haiue ,
Quelques jours échappés aux rigneurs d'Erixène?
A qui pent éprouver un sort comme le mien ,
La mort est-elle un mal, la vie est-elle un bien?
Hélas! si je me plaius, et si mon cœur murmure,
Mes plaintes ue sont point l'effet de la nature:
Je crains bien moius le coup qui m'ôtera le jour.
Que le coup qui me doit priver de mon amour.
Allous, c'est trop tarder... D'où vient que je frissonue?
Est-ce qu'en ce moment ma vertu m'abandonue?
Hélas! il en est temps, courous où je le doi;
Je n'attends que la mort, et l'on n'attend que moi.
Assez sur ses projets mon ame combattue
A c44&— - «
SCÈNE III.
ÉRIXÈNE, IDAMANTE, ISMÈNE.
I DAMANTE.
Quel objet vient s'offrir à ma vue î Ab! fuyons... mon devoir parlerait vaiuement, Si je pouvais encore
ÉRIXÈNE.
Arrêtez un moment. Vous me voyez, Seigueur, inquiète , éperdue: De mortelles frayeurs je me seus l'ame émue. De mon devoir toujours prête à subir la loi, Je courais aux antels pent-être malgré moi; J'allais voir immoler, dans ma juste colère >


Le sang d'Idoménée aux mânes de mon père;
Qu'ai-je fait! et de quoi se flattait mon courroux!
On dit que les effets n'eu tombent que sur vous.
De grâce, éclaircissez mou trouble et mes alarmes ,
D'un peuple qui gémit et les cris et les larmes:
Des pleurs qu'en ce moment je ne puis retenir,
Tont daus ce trouble affreux sert à m'entretenir.
IDAMANTE.
Il est vrai que le ciel, juste, quoique sévère,
Semble enfin respecter la téte de mou père.
Sous le conteau mortel la mienue va tomber,
Et sous l'arrêt fatal je dois seul snccomber,
Madame ; trop heureux , si la mort que j'implore
Apaise le courroux de tont ce que j'adore 1
Si je puis désarmer,le ciel et vos beaux yeux ,
Je vais, par un seul coup, coutenter tous mes dieux.
ÉRIXÈ3fB. %
Seigueur, il est donc vrai qu'uue promesse affreuse
Vous livre aux dieux vengeurs ? Qu'ai-je fait, malheureuse!
J'ai révélé l'oracle, et ma fuueste erreur
A d'un arrêt barbare appuyé la fureur.
Mais pouvais-je des dieux pénétrer le mystère ,
Et croire vos vertus l'objet de leur colère;
Me défier, enfin, qu'avec eux de concert
J'eusse pu me prêter à la main qui vous perd?
Non, Seigueur, non, jamais votre Hère enuemie
N'aurait voulu poursuivre une si belle vie.
Moi, la poursuivre! Hélas! les dieux me sont témoius
Que mon cœur malheureux ue haït jamais moius.
IDAMAMTE.
Quel bonheur est le mien! Près de perdre la vie, Qu'il m'est doux de trouver Érixèue attendrie! érixene.
Oui, malgré mon devoir, je ressens vos malheurs,
Et ue puis les causer saus y donuer des pleurs:
Je ue puis , saus frémir, voir le coup qui s'apprête.
Je ue le verrai point tomber sur votre tête:
Je vais quitter des lieux si terribles pour moi.
Mais je n'y craius pour vous ni les dieux, ni le roi;
Non , je ne puis peuser qu'avec tant d'innocence
On ue puisse du ciel suspendre la vengeance.
IUAMANTE.
Ab! plntôt, s'il se pent, demeurez en ces lieux ,
Où je vais apaiser la colère des dieux.
Madame, s'il est vrai qu'Érîxèue sensible
Ait laissé désarmer son courroux inflexible ,
Au nom d'un tendre amour, couservez pour le roi
Cette même pitié que vous marquez pour moi.
Le coup cruel qui va trancher ma destinée
Tombera moius sur moi que sur Idoraénée:
Il n'a que trop souffert d'un devoir rigoureux;
N'accablez plus, Madame, un roi si malheureux....
Laissez-vous attendrir à ma juste prière;
J'ose enfin implorer vos bontés pour mon père.
ÉfUXÈïfE.
Ciel! qu'est-ce que j'entends? et que me dites-vous? Je seus, à ce nom seul, rallumer mon courroux. Lui ? votre père? O ciel! après son vœu fuueste ,

Gardez de proposer des nœnds que je déteste.
Que jusque-là mon cœur portât l'égarement!
Qui? lui i... le meurtrier d'un père, d'un amant!
Ma haiue contre lui sera toujours la même:
Je l'abhorre.... ou plntôt je seus que je vous aime...
Où s'égare mon cœur ?... De ce que je me dois
Quel oubli! Mes remords ont étouffé ma voix....
Quand je crois rejeter des nœnds illégitimes,
Mon cœur, au même iustant, respire d'au très crimes.
Qu'ai-je dit? quel secret osé-je révéler?
Me reste-t-il encor la force de parler?
Ah! Seïgueur, puisqu'enfin je n'ai pu m'en défendre,
A. d'éteruels adieux vous devez vous attendre.
IDA.MA.NTE.
Que dites-vous ! ô ciel! Aiusi donc votre cœur
Garde, même eu aimant, sa 'première rigneur!
Calmez de ce trausport l'iujuste violence.
Votre amour est-il donc un reste de vengeance?
Fant-il en voir, hélas! tous mes maux redoubler?
Ne le déclarez-vous que pour m'en accabler?
Ah ! cruelle , du moius au moment qu'il éclate,
Cessez de m'euvier le bonheur qui me flatte.
ÉRtXÈNE.
Si ce faible bonheur vous flatte, il vous séduit:
Seigueur, de cet aveu ma mort sera le fruit.
Si je cède au trausport où mon amour me livre ,
A ma gloire du moius je ue sais pas survivre.
Mou malheureux amour passe tous mes forfaits;
Je ue survivrai pas à l'aveu que j'en fais.

Faut-il jusqu'à ce point que ma gloire s'oublie!
Ah Seigneur! cet aveu me coûtera la vie.
Que le destin épargue ou termiue vos jours ,
Oui, cet aveu des miens doit termiuer le cours;
Kt, quel que soit le sort que vous devez attendre,
Je ue vous verrai plus, je n'en veux rien apprendre.
Adien , Seigueur, adieu : qu'à jamais votre cœur
Garde le souvenir d'uue si tendre ardeur.
Pour moi, dès ce moment je vais fuir de la Crète:
Heureuse si ma mort prévenait ma retraite!
IDAHANTE.
Eh quoi! vous me fuyez ! Ah! du moius, daus ces lieux
Laissez-moi la donceur d'expirer à vos yeux:
.Ne les détouruez point dans ce moment fuueste;
Laissez-moi voir encor le seul bien qui me reste.
Demeurez.... ou ma mort.... .
KRIXÈNE.
AU! de grâce , Seigueur, Par ce cruel discours n'accablez pas mon cœur. Mon devoir, malgré moi, vous défend de me suivre; Mais l'amour, malgré lui, vous ordonue de vivre.
SCÈNE IV.
IDAMANTE, seul.
Vocs l'ordonuez eu vain, je remplirai mon sort;
Kt votre seul départ suffisait pour ma mort.
Rien ue s'oppose plus au devoir qui m'entraîue:

Jusque-là , dieux puissaus , suspendez votre haine.
Mais qu'est-ceque j'entends ?... Je tremble, je frémis.
SCÈNE V.
IDOMÉNÉE, IDAMANTE, SOPHUONYME, POLYCLÈTE , Gardes.
IDOMÉNÉE.
Vous m'arrêtez en vain , je veux revoir mon fils.
Portez ailleurs les soius d'uue amitié cruelle;
Respectez les trausports de ma douleur rflor telle.
Enfin je le revois.... Je ue vous quitte pas:
Les dieux auront en vain juré votre trépas:
Ils ordonuent en vain cet affreux sacrifice;
Ma main de leur fureur ue sera point complice.
IDA.MA.NTE.
Ah ! Seigueur, c'en est trop, n'irritez plus les dieux:
N'attirez plus enfin la fondre daus ces lieux;
Veuez, sans murmurer, sacrifier ma vie.
Vous ignorez les maux dont elle est poursuivie.
AU! si je vous suis cher, d'uue tendre amitié
Je n'implore, Seigueur, qu'un reste de pitié.
Termiuez les malheurs d'un fils qui vous en presse;
Accomplissez enfin uue augnste promesse:
De vos retardemeus voyez quel est le fruit.
D'ailleurs, de votre vœu tont le peuple est iustruit.
Chaque instant de ma vie est au ciel un ontrage;
Acquittez-en ce vœu , puisqu'elle en fnt le gage.
IDOMÉNÉE.
Iuexorables dieux , par combien de détours

[graphic]
Ne sont-ils pas, Seigueur, vos enfaus avant moi?'
Terminez par ma mort l'excès de leur misère:
Daus ces tristes momeus soyez plus roi que père;
Sougez que le devoir de votre auguste rang
Ne permet pas toujours les tendresses du sang:
Versez enfin le mien, puisqu'il fant le répandre:
Par d'çteruels forfaits voulez-vous le défendre?
IUOMÉNÉE.
Bût le ciel irrité nous rouvrir les enfers,
Dût la fondre à mes yeux embraser l'univers ,
Dût tont ce qui respire, étouffé daus la flamme,
Servir de monnment aux trausports de mou ame ,
Dussé-je enfin , de tont destructeur furieux ,
Voir ma rage égaler l'iujustice des dieux ,
Je n'immolerai point uue téte innocente.
I DAMANTE.
Ah! c'est donc trop long-temps éparguer Idamante.
Après ce que je sais , après ce que je voi,
Qui fnt jamais, Seigueur, plus crimiuel que moi?
Chaque moment qui suit votre vœu redontable
Rejette mille horreurs sur ma téte coupable:
Complice du refus que l'on en fait aux dieux,
Tont mon sang désormais me devient odieux.
Dispntez-vous au ciel le droit de le reprendre?
M'enviez-vous , Seigueur, l'honneur de vous le rendre?
Ah! d'un vœu qui vous rend aux vœux de votre fils ,
Trop heureux que ce sang puisse faire le prix!
Saus ce vœu, triste objet de ma douleur profonde,


[graphic]
Je ue Tous revoyais que le jouet de l'onde.
Le ciel, plus doux, eniin Tous rend à mes souhaits;
Puis-je assez lui payer le plus grand des bienfaits?
Veuez-en aux antels cousacrer les prémices:
Signalous de grands cœurs par de grands sacrifices;
Et montrez-vous aux dieux plus grand que leur courroux
Par un présent , Seigueur, digue d'eux et de vous.
IDOMETVEE.
Pour ue t'immoler pas quand je me sacrifie,
Oses-tu me prier d'attenter à ta vie?
Fils ingrat , fils cruel, à périr obstiné ,
Viens toi-même immoler ton père infortuné.
N'attends pas que, tonché d'uue indigue prière,
J'arme contre tes jours uue main meurtrière:
Je saurai, malgré toi, t'en sauver désormais;
Et de ces tristes lieux je vais fuir pour jamais.
IDAMAIfTE.
Que dites-vous, Seigueur? et quel dessein barbare....
IDOMÉNÉE.
N'accusez que vous seul du coup qui nous sépare.
Mes peuples, par vous-même instruits de votre sort,
Ne laissent à mon choix que la fuite ou la mort.
IDAMANTE.
Si l'intérêt d'un fils pent vous toncher encore ,
Accordez à mes pleurs la grâce que j'implore.
IDOUÉNÉE. .
Vous tentez sur mon cœur des efforts superflus.
Adieu, mon fils.... mes yeux ue vous reverront plue.


m Amant F. , a genoux. Ah! Seigueur, permettez qu'à vos désirs contraire J'ose encore opposer les efforts....
I DOME NEE.
Téméraire!
Arrêtez, ou craiguez que mon juste courroux....
ÎDAMANTE.
Puisque par ma douleur je ue puis rien sur vous,
Soyez donc le témoin du trausport qui m'anime.
( // se tue. y Dieux , recevez mou sang; voilà votre victime...
IDOMÉNÉE.
Inhumain !... Juste ciel!... Ah père malheureux!
Qu'ai-je vu?
IDAMANTE.
C'est le sang d'un prince généreux:
Le ciel, pour s'apaiser, n'en demandait point d'antre,
IdomÉnee, Qu'avez-vous fait, mon fils?
IDAMANTE.
Mon devoir et le vôtre. Telle en était, Seigueur, l'irrévocable loi; Il fallait le remplir ou par vous , ou par moi. Les dieux voulaient mon sang; ma main obéissante N'a pas dû plus long-temps éparguer Idamante. De son sang répandu voyez quel est le fruit; Le ciel est appaisé, l'astre du jour vous luit: Trop heureux de pouvoir, daus mon malheur extrême, Goûter, avant ma mort, les fruits de ma mort même!


I DOW FSEE.
Helas ! du coup affreux qui termiue ton sort N'attends point d'antre fruit que celui de ma mort. Dieux cruels ! fallait-il qu'uue iujuste vengeance , Pour me punir d'un crime, opprimât l'innocence?

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