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Monday, June 4, 2012

Tasso: melodramma all'italiana: Aminta, Tancredi, Rinaldo

Speranza C'est le roi lui-même qui choisit le sujet (Lulli, "Rinaldo ed Armida"). Le marquis de Dangeau précise dans son journal que le mercredi 16 mai 1685, « Quinault apporta au roi chez Madame De Montespan trois livres d'opéra pour cet hiver : l'un étoit Malaric, fils d'Hercule, le second Céphale et Procris, le troisième Armide et Renaud ; le roi les trouva tous trois à son gré et choisit celui d'Armide »6. L'intrigue, tirée de "La Gerusalemme liberata" du poète italien Tasso (1544-1595), est donc, à l'instar d'Amadis et de Roland, et à l'inverse des plus anciennes tragédies de Lulli, basé sur un sujet héroïque et non mythologique, signe d'une évolution dans le choix des livrets. Quinault s'est inspiré, pour la rédaction du livret d'"Armida ed Rinaldo", des chants II, V, X et XIV, du chef-d'œuvre du Tasso et il a inventé entièrement le troisième acte. Armida fut représentée pour la première fois le 15 février 1686 en présence du Grand Dauphin. Les décors étaient de Jean Bérain et Mlle Le Rochois, une habituée8 des rôles de Lully, jouait le rôle-titre9. Probablement à cause de la disgrâce dans laquelle Lully était tombé à la cour10, l'œuvre ne fut pas créée à Versailles, mais à Paris (théâtre du Palais-Royal). Pour cette même raison, le Roi n'assista jamais à une seule représentation, ce qui affecta fort le compositeur. Dans la préface de la partition, celui-ci fait état de sa déception : « Mais que me sert-il, SIRE, d'avoir fait tant d'efforts pour me haster de Vous offrir ces nouveaux Concerts ? »11. Quoi qu'il en soit, à en croire Lully lui-même, sa dernière tragédie lyrique remporta un réel succès. En effet, voici ce qu'il écrivit encore dans la préface de sa partition : De toutes les Tragedies que j'ay mis en musique voicy celle dont le Public a temoigné estre le plus satisfait. C'est un spectacle où l'on court en foule, & jusqu'icy on n'en a point veu qui ait receu plus d'applaudissements ... »11. Bien que l'on ne sache pas trop pourquoi, Armide reçut — comme Atys (« l'opéra du Roi »), Isis (« l'opéra des musiciens ») et Phaéton (« l'opéra du Peuple ») — un sobriquet : L'œuvre fut surnommé « l'opéra des Dames »12. La partition fut éditée chez Christophe Ballard en 168611. Au fil des reprises[modifier] Immédiatement salué comme le chef-d'œuvre de son auteur13, Armide connut, en France comme à l'étranger, de nombreuses reprises au cours des XVIIe siècle et XVIIIe siècle (notamment en 1688, 1703, 1713, 1714, 1724, 1746, 1747, 1761)14. ************************************************************** L'œuvre fut même le premier opéra français à être donné en Italie (en 1690 à Rome dans une traduction de Silvio Stampiglia). *************************************************************** Le Cerf de La Viéville, contemporain de Lully et auteur de la fameuse Comparaison de la musique italienne et de la musique française (1704), décrivait dans cet ouvrage l'effet que produisait sur ses auditeurs le célèbre monologue d'Armide (Enfin il est en ma puissance), considéré comme un des clous de la partition : « J'ai vu vingt fois tout le monde saisi de frayeur, ne soufflant pas, demeurer immobile, l'âme tout entière dans les oreilles (...) puis, respirant là avec un bourdonnement de joie et d'admiration »15. Preuve encore du succès de la partition, de nombreuses parodies de la pièce sont à signaler (Arlequin à la guinguette, 1711 ; trois « Armide », 1721, 1725, 1747 ; La Bohémienne, 1747). La Querelle des Bouffons[modifier] Lors de la Querelle des Bouffons (1752-1754), alors que le monde musical est divisé entre partisans de la musique italienne et défenseurs de la musique française, "Rinaldo ed Armida", œuvre emblématique qui avait « le suffrage des premiers maîtres d'une nation »16, se retrouve au cœur des débats. Dans son Au petit prophète de Boesmischbroda, au Grand Prophète Monet (1753), Diderot défie les tenants de la musique italienne de démontrer, par une analyse critique du monologue d'Armide, l'infériorité de la musique française ajoutant que « L'opéra d'Armide est le chef-d'œuvre de Lulli, et le monologue d'Armide est le chef-d'œuvre de cet opéra »16. Jean-Jacques Rousseau, fervent défenseur de la musique italienne, répond dans sa célèbre Lettre sur la musique française (1753), à la proposition de Diderot. Il examine alors, en le démontant, ce monologue « qui passe, constate-il, pour un chef d'œuvre de déclamation, et que les maîtres donnent eux-mêmes pour le modèle le plus parfait du vrai récitatif français »1. Son analyse très détaillée vise à démontrer que la musique de Lully ne colle pas au texte et qu'elle ne parvient pas à traduire les sentiments exprimés par Quinault. Sa virulente conclusion où il résume ses reproches est mémorable : [afficher] Conclusion de la Lettre sur la musique française1 Jean-Philippe Rameau, le chef de file du mouvement français, réplique en 1754 par la publication de ses Observations sur notre instinct pour la musique et sur son principe. Il s’y livre notamment à un examen du monologue d'Armide parallèle à celui de Rousseau et en présente une analyse complètement opposée, mettant en évidence l'intelligence avec laquelle Lully a su adapter sa musique aux vers du livret. Gluck et Armide[modifier] Christoph Willibald Gluck. Plus de vingt ans après la fin de la Querelle des Bouffons, alors qu'une nouvelle polémique artistique (Querelle des Gluckistes et des Piccinnistes) embrase Paris, le livret de Quinault connait sa seconde utilisation. Christoph Willibald Gluck, qui avait à cette époque entrepris de réformer la musique française, réutilise, presque sans modifications2, le livret d' Armide et compose dessus un de ses plus grands chefs d'œuvre. Par cet opéra, crée le 23 septembre 1777, Gluck remet en question les fondements, apparemment inviolables, de la tragédie lyrique en cinq actes. Il revitalise le genre et démontre que celui-ci est encore capable de toucher les sensibilités des spectateurs de la fin du XVIIIe siècle. Dans son livre 1001 opéras, Piotr Kaminski écrit que « La comparaison des deux [Armide] prodigue d'éclatants éclairages sur l'évolution du style, du langage dramatique et des modes expressifs, en somme : sur deux époques du drame musical. »17 En partie éclipsé par l'ouvrage de Gluck, l'Armide de Lully connait de moins en moins de représentations. Après la Révolution, elle disparait tout à fait de la scène et sombre au XIXe siècle dans un relatif oubli. L'époque moderne[modifier] Bien que le monologue ait été exécuté en 1832 par François-Joseph Fétis à Paris à l'occasion d'un « concert historique », la redécouverte de l'œuvre date de 1887 : lors du bicentenaire de la mort de Lully des extraits sont joués sur instruments anciens par les étudiants du Conservatoire de Bruxelles. Au XXe siècle Armide est sporadiquement reprise : en 1905 à la Schola Cantorum de Paris, en 1911 à Florence, en 1918 à Monte-Carlo (première reprise scénique), en 1939 à Genève, en 1957 à Bordeaux (dans une version « révisée » par Henri Busser reprise 2 ans plus tard au festival de Wiesbaden), en 1981 à Birmingham18. Philippe Herreweghe dirigera, en 1983, une version de concert (avec Rachel Yakar dans le rôle titre) qui donna lieu au premier enregistrement de l'œuvre. Près d'une décennie plus tard, en 1992, Armide est reprise, à nouveau sous la direction d'Herreweghe, à l'opéra d'Anvers et au théâtre des Champs-Élysées dans le cadre d'un « cycle Lully ». Cette production donnera lieu au second enregistrement. La première représentation en Amérique du Nord du chef d'œuvre de Lully se déroula en 2005 à l'Elgin Théâtre de Toronto. Une production mise en scène par Robert Carsen fut donnée en octobre 2008 au théâtre des Champs-Élysées sous la direction de William Christie avec les chœurs et l'orchestre des Arts Florissants. Stéphanie d'Oustrac y interprétait Armide, tandis que Paul Agnew jouait Renaud.

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